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Hadj Ali Abdelhakim (Directeur régional de l’APOCE Oran) : «On est contre le gel de l’importation des véhicules de moins de 3 ans»

Le directeur régional de l’Organisation Algérienne de Protection et d’Orientation du Consommateur et de son Environnement d’Oran évoque certains sujets d’actualité et leur impacte sur le pouvoir d’achat des consommateurs algériens.
«Les services de contrôle ferment les yeux, les boulangers en profitent et au final c’est le consommateur qui en paye les frais»

«Il ne faut plus faire dans le social et que chacun doit s’acquitter de ses redevances envers les fournisseurs d’énergie et d’eau potable»

«Des bavettes à 50, 60 voire 400 DA. Pour nous, c’est du vol»

«Il est impératif que les mentalités changent et qu’on dépasse cette mentalité de ‘‘chkara’’ qui n’a plus lieu d’exister»

«On n’a pas de fabricants dans le domaine de l’électronique et de l’électroménager. Ils font du montage»

- Pensez-vous que les consommateurs algériens connaissent vraiment leurs droits ?
Le consommateur algérien, généralement, ne connait pas ses droits. Il renonce facilement à ses droits. C’est une question de mentalité. Chez nous, on a tendance à dire que c’est le pays qui est comme ça et on trouve des excuses pour justifier les dépassements dont on est victime. Nous, en tant qu’organisation de défense des consommateurs, avons tous les moyens pour rester en contact avec le consommateur et prendre en charge ses doléances.

- Justement, quel est le rôle de l’APOCE et comment les consommateurs peuvent-ils la contacter ?
Nous avons un numéro vert qui est le 3311, ce numéro court est valide sur tout le territoire national et il permet aux consommateurs de nous contacter dès qu’ils ont un souci. Les appels sont enregistrés, sauf que nous garantissons l’anonymat. Ainsi, si un consommateur appelle pour dénoncer un dépassement ou une infraction à la réglementation, l’APOCE prend le relai et peut, même au besoin, se constituer partie civile pour déclencher une procédure judiciaire, sans révéler l’identité du plaignant et sans qu’il ait à se présenter devant le juge. C’est nous qui assurons le suivi de toute la procédure jusqu’à ce que justice soit rendue. 

- Dans quels domaines l’APOCE est en mesure d’intervenir et de conseillez les consommateurs ?
Nous travaillons beaucoup en collaboration avec la DCP (Direction de la concurrence et des prix) qui englobe beaucoup de services : le contrôle de qualité, la protection du consommateur, la répression de la fraude, l’hygiène, la protection de l’environnement. Certains pensent que l’APOCE ne s’occupe que des volets ayant trait à l’alimentaire, mais notre champ d’action est beaucoup plus large. On peut intervenir, en outre, dans le domaine des services. Tout ce qui est transaction commerciale entre un consommateur et un prestataire nous concerne. Du coup, on peut intervenir dans des litiges dans le domaine de la santé lorsque, par exemple, un citoyen se présente dans une structure de santé, publique ou privée que le service soit payant ou gratuit, et qu’il n’est pas bien pris en charge et qu’il relève une négligence qui pourrait porter atteinte à sa santé. Dans ce cas, on porte plainte auprès de la direction de la santé. Les directeurs exécutifs sont tenus de nous rendre compte des actions qu’ils ont entreprises. Idem pour le domaine du transport, de l’éducation, l’environnement, le tourisme et bien d’autres secteurs.

- En termes de prix, on a remarqué la hausse des prix de certains produits de première nécessité, tel que les pâtes alimentaires et le lait pour bébé. Ces augmentations sont-elles justifiées ?
Pendant la période du Covid-19, certains commerçants ont profité de la situation pour augmenter leurs prix. Vous avez évoqué l’exemple des pâtes alimentaires et à ce sujet un décret a été publié pour interdire aux fabricants d’utiliser la farine subventionnée pour fabriquer les pâtes alimentaires qui sont, parfois destinées à l’exportation. C’est une mesure des plus logiques du fait que l’Etat débourse des sommes faramineuses pour assurer des produits de première nécessité subventionnés comme la farine de pain et la poudre de lait ou encore les carburants, l’eau potable et l’électricité. Malheureusement, ces subventions ne profitent pas seulement aux nécessiteux puisque tout le monde, y compris les gens aisés, ont accès à ces produits subventionnés. C’est pourquoi l’APOCE appelle depuis quelque temps à augmenter le pouvoir d’achat des nécessiteux en revoyant leurs salaires à la hausse et non pas maintenir les subventions qui profitent aussi aux riches. Ce n’est pas une position qui est à l’encontre des intérêts des consommateurs démunis, bien au contraire. Les dépassements enregistrés dans l’exploitation des produits subventionnés sont tellement nombreux que la direction du commerce n’arrive plus à traiter toutes les plaintes. Prenez, à titre d’exemple, le prix de la baguette de pain subventionnée. Il est fixé à 7.5 DA. Allez-y trouver un boulanger qui vend le pain à ce prix. C’est tout le monde qui achète sa baguette à 10 DA minimum en prétextant que c’est du pain amélioré. Les services de contrôle ferment les yeux, les boulangers en profitent et au final c’est le consommateur qui en paye les frais.

- Dernièrement, les ministres des Ressources en eau et celui de l’Energie ont affirmé que l’Etat ne comptait pas revoir à la hausse les tarifs de l’eau potable et de l’électricité et du gaz pour les foyers. Que faut-il faire pour ne pas obliger les pouvoirs publics à revoir leur décision de maintenir le soutien au prix de l’eau et de l’énergie ?
L’APOCE est contre l’augmentation des prix qui affectera le budget des consommateurs, avec un pouvoir d’achat qui diminue d’année en année. Nous avons tenu des réunions avec le directeur régional de Sonelgaz qui nous a expliqué que Sonelgaz n’est plus l’entité qui contrôle l’ensemble du processus de l’approvisionnement des consommateurs en électricité et en gaz : il y a la filiale production, transport et commercialisation. Et chaque entité achète l’énergie pour la revendre. Du coup, une fois arrivée à l’étape de la commercialisation au consommateur final, cette filiale doit recouvrer la valeur de l’énergie consommée pour être rentable et pouvoir payer ses employés et poursuive son activité. Sauf que beaucoup de gens, notamment ceux qui habitent dans les bidons villes, procèdent à des branchements illicites et ne payent pas de factures. D’ailleurs, le directeur régional de Sonelgaz à Oran m’a clairement dit qu’il était déficitaire et qu’il ne pouvait rien faire pour couper l’alimentation en électricité à ces gens qui sont dans l’illégalité parce qu’il a reçu des instructions dans ce sens. Je pense qu’il ne faut plus faire dans le social et que chacun doit s’acquitter de ses redevances envers les fournisseurs d’énergie et d’eau potable pour pouvoir bénéficier des avantages tarifaires que l’Etat a instauré depuis l’indépendance.   

- La rentrée scolaire pour les élèves du cycle primaire est prévue mercredi prochain et parmi les mesures préventives contre la propagation du Covid-19 le port du masque obligatoire en milieu scolaire. Mais cette mesure aura un coût qui pèsera sur le budget des ménages. Y’a-t-il des solutions envisagées pour soutenir les foyers les plus démunis ?
L’APOCE a mené des compagnes de sensibilisation quant au port du masque comme mesure préventive impérative pour réduire la propagation de la pandémie du Covid-19 et elle a signé un protocole d’accord avec le ministère de la Formation professionnelle (chaque directeur régional avec le directeur régional de la formation professionnelle de sa wilaya) afin d’exploiter les centres de formation pour la confection des masque de protection. Du coup, on a estimé le coût de la confection d’une bavette à 5 DA. Alors, on se demande pourquoi on propose ses bavettes à 50, 60 voire 400 DA. Pour nous, c’est du vol. Comme on dit ‘‘le malheur des uns fait le bonheur des autres’’. Ainsi, certains profitent de cette conjoncture pour s’enrichir. Ces bavettes ne doivent pas coûter aussi cher. Les enfants qui reprendront leur scolarité ce mercredi pourraient être exposés à un risque. On était contre la reprise des cours. Même les pays les plus développés n’ont pas pu combattre le Covid, que dire de notre pays qui est loin d’avoir les moyens dont disposent ces pays qui dominent le monde. Il faut être honnête avec nous-mêmes, d’abord, certains chefs de familles ne pourront pas assurer à leurs enfants une bavette tous les jours voire tous les deux jours en plus du gel hydro-alcoolique. Entre, nourrir ses enfants, les vêtir, leur assurer le gite, les soigner, leur acheter les fournitures scolaires, ces pères seront dépassés.

- Les consommateurs algériens ont été confrontés à une autre contrainte ces derniers temps avec le manque de liquidité dans les bureaux de postes qui a poussé les autorités à plafonner le montant des retraits. Ne considérez-vous pas cela comme une atteinte aux droits des consommateurs ou bien cela est un signal fort pour basculer vers le paiement électronique ?
Il est vrai que le consommateur est en droit de disposer de l’argent qu’il a déposé au niveau de la Poste ou de la banque. Cependant, ce problème de manque de liquidité a été créé par des gens qui dès qu’il y a un souci s’empressent de retirer leur argent pour le garder à la maison en croyant qu’il est plus en sécurité. C’est ce qui dénote que les gens ont perdu confiance et préfèrent garder leur argent à leur portée. C’est dire que ce n’est pas l’Etat qui a créé ce problème mais plutôt certains citoyens. Cela sans oublier les malversations de certains employés de la Poste qui ont profité de la situation pour tenter de détourner de l’argent. Pour ce qui est du paiement électronique, nous encourageons ce mode de paiement, d’ailleurs nous avons participé à une opération de distribution gratuite de TPE aux commerçants dans un grand centre commercial ici à Oran en la présence d’un directeur central d’Algérie Poste. Néanmoins, on appelle à ce que la promotion de ces moyens modernes de paiements soit accompagnée par des formations qui permettent la maîtrise de l’utilisation des TPE et éviter des désagréments aux consommateurs. De plus, il serait judicieux d’uniformiser les systèmes qui gèrent ces TPE car on a constaté que les TPE utilisés par la Poste sont plus pratiques que ceux qui sont utilisés par les banques, notamment pour l’annulation des transactions.

- Mais il reste difficile de convaincre certaines catégories de consommateurs, notamment les personnes âgées, d’opter pour ce mode de paiement électronique…
Autrefois, le port de la ceinture de sécurité n’était pas obligatoire et personne ne la mettait. Une fois que l’Etat a rendu ce geste obligatoire, tout le monde s’y est conformé. C’est la même chose pour le paiement électronique, s’il devient obligatoire personne ne s’y opposera. Il faut savoir que c’est un pas vers l’instauration de la transparence des transactions commerciales. Le paiement électronique assure une traçabilité et permet aussi de détecter des mouvements douteux d’argent. Il est impératif que les mentalités changent et qu’on dépasse cette mentalité de ‘‘chkara’’ qui n’a plus lieu d’exister.

- Les fabricants des appareils électroniques et électroménagers algériens ont tiré la sonnette d’alarme et appellent les autorités à débloquer la situation afin de leur permettre de reprendre leurs activités et sauver des emplois. Quelle est la position de l’APOCE à ce sujet ?
Certains fabricants algériens ramenaient les produits finis et les déclarés comme étant des produits fabriqués en Algérie profitant de privilèges financiers et fiscaux. Maintenant, l’Etat est en tain d’établir de nouvelles règles qui régissent ce secteur. D’abord, il est nécessaire d’employer les bons termes, on n’a pas de fabricants dans le domaine de l’électronique et de l’électroménager. Ce sont des monteurs. Ce qui est différent. Pour revendiquer le statut de fabricant, il est impératif de maîtriser le processus de fabrication ou du moins une bonne partie, ce qui est loin d’être le cas pour le moment.

- Qu’en est-il du secteur de l’automobile et le gel de l’autorisation d’importer les véhicules de moins de 3 ans ?
On est contre ce gel. Lorsqu’on prétend que les véhicules de moins de 3 ans importés d’Allemagne, d’Espagne ou de France sont comme ont dit chez nous ‘‘khourda’’, je me demande alors comment on peut qualifier certains véhicules ramenés de Chine ou d’Inde qui ne respectent aucune norme de sécurité. Je préfère acheter un véhicule d’occasion qui a roulé en Europe et qui répond à des normes de sécurité strictes que d’importer des véhicules neufs de Chine qui sont constitués seulement d’une tôle et d’un moteur.